L’Eurovision peut-elle rester neutre ?
En 2022, l’Union européenne de radio-télévision (UER) excluait la Russie du Concours Eurovision de la chanson. En cause : l’invasion de l’Ukraine, jugée par l’organisation comme une violation flagrante du droit international. Trois ans plus tard, alors que la guerre fait rage à Gaza, une autre participation suscite la controverse : celle d’Israël. Devrait-il, à son tour, être écarté du concours ?
Une neutralité revendiquée, mais contestée
L’UER insiste : l’Eurovision est un concours « apolitique ». C’est cette logique qui justifie selon elle le maintien d’Israël dans la compétition. Tant que le pays respecte les règles techniques et artistiques, il peut concourir. Mais cette posture soulève de nombreuses interrogations. Car un événement où chaque pays envoie un représentant, expose sa culture au monde et vote pour d’autres nations n’a, de fait, rien de neutre.
Depuis ses débuts, l’Eurovision est un espace d’expression symbolique. Certains pays s’y servent de vitrine pour affirmer leur alignement avec les valeurs européennes, d’autres pour se repositionner dans le regard du continent. En ce sens, prétendre que le concours est exempt de toute dimension politique relève de la fiction.
Le vote du public, reflet d’une mobilisation
L’édition 2025 a vu Israël récolter le maximum de points du public dans 34 des 38 pays votants. Un raz-de-marée qui a étonné, voire dérangé. L’opinion publique européenne serait-elle à ce point favorable à Israël ? La réponse est plus nuancée.
Israël a mené une campagne massive sur les réseaux sociaux, appelant ses soutiens à voter en masse pour sa représentante. Ce type de stratégie révèle un déséquilibre structurel : les partisans d’Israël se concentrent sur un seul pays, tandis que ceux qui s’y opposent dispersent naturellement leurs votes entre plusieurs autres nations. Résultat, une mobilisation efficace peut infléchir fortement les résultats, sans pour autant refléter une véritable adhésion populaire majoritaire.
Un autre indice relativise ce succès public : les données de streaming. Le 24 mai 2025, la chanson israélienne ne comptabilisait que 268 000 écoutes sur Spotify, la classant 19e sur l’ensemble des titres de cette édition. Un chiffre modeste, en décalage avec les résultats du télévote.
Vers un débat inévitable
L’affaire israélienne révèle les limites du modèle Eurovision. Le concours, censé rassembler autour de la musique et de la diversité culturelle, est devenu le théâtre de batailles symboliques et géopolitiques. L’UER pourra-t-elle continuer à se retrancher derrière le principe d’apolitisme, alors que les tensions internationales s’invitent chaque année un peu plus dans la compétition ?
La question n’est plus simplement musicale. Elle est éthique, politique, et profondément européenne.



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